Épisode 46 - Tom Palmieri Rambaud

6 Stratégies innovantes pour développer la relation client dans la haute pâtisserie

Abonnez-vous gratuitement au podcast

Je m'abonne

La haute pâtisserie française, reconnue mondialement, combine excellence artisanale et expérience client premium. Comment ces maisons d’exception construisent-elles leur relation client ? Tom Palmieri Rambaud, Directeur marketing et communication de la maison Philippe Conticini et de Jeffrey Cagnes, a partagé son expertise lors d’un échange avec Marine Deck, experte relation client et expérience client, animatrice du podcast Le Client et fondatrice de Cx Advisor, leader d’opinion sur LinkedIn sur la thématique de l’expérience client en France.

Entre luxe et artisanat : le positionnement unique de la haute pâtisserie

La haute pâtisserie occupe une place singulière dans le paysage économique français. « On est sur un positionnement d’entreprise un petit peu bâtard, c’est-à-dire à cheval entre différents secteurs », explique Tom Palmieri Rambaud. Cette dualité se manifeste entre deux univers apparemment contradictoires :

Le luxe : « Quand on paye de 7 à 12 ou 13 € le gâteau individuel, on parle de luxe », souligne-t-il. Cette dimension implique des exigences particulières en matière d’expérience client, d’environnement de vente et de qualité de service.

L’artisanat : « On reste des artisans, on reste des gens qui fabriquent quotidiennement les gâteaux dans un laboratoire de production », rappelle le directeur marketing. Cette dimension artisanale ancre les maisons de haute pâtisserie dans une réalité de proximité et de quartier.

Cette position hybride façonne profondément l’approche de la relation client. « La relation client pour nous est absolument centrale dans ce positionnement un petit peu double de notre métier », résume Tom Palmieri Rambaud.

Marine Deck, experte relation client et expérience client, souligne l’intérêt de cette dualité : « C’est un challenge de gérer des marques qui sont entièrement personnifiées au-delà du fait qu’elles soient récentes. »

L’émotion au cœur de l’expérience client en haute pâtisserie

Si un seul mot devait résumer l’essence de la haute pâtisserie, ce serait « l’émotion ». « La recherche perpétuelle de l’émotion à travers la pâtisserie, à travers les textures, les saveurs… c’est à mon sens ce qui doit décrire le travail d’un pâtissier qui travaille dans le domaine de la haute pâtisserie », explique Tom Palmieri Rambaud.

Cette quête d’émotions constitue ce « supplément d’âme » qui distingue la haute pâtisserie de la pâtisserie traditionnelle. Toutefois, c’est une quête perpétuelle, jamais totalement achevée : « L’émotion, c’est une quête perpétuelle, ce n’est pas quelque chose qu’on atteint constamment. »

Pour créer et entretenir cette émotion, les maisons Philippe Conticini et Jeffrey Cagnes ont développé plusieurs stratégies :

1. Former les équipes à une approche personnalisée du client

Les équipes de vente reçoivent une formation spécifique pour adapter leur approche à différentes typologies de clients. « On a des typologies de clients qui sont très différentes », explique Tom Palmieri Rambaud. « Il y a des clients qui aiment aller dans la boutique et aller directement vers les produits qu’ils connaissent absolument par cœur […] et il y en a d’autres qui aiment être guidés. »

Cette formation s’appuie sur des guides conversationnels et des bonnes pratiques, tout en préservant une certaine spontanéité : « On essaie de donner des grandes guidelines mais de pas être trop restrictif parce que sinon ça devient antinaturel et là, on perd quelque chose aussi dans l’expérience client. »

2. Gérer les situations négatives avec transparence et réactivité

Le monde de la haute pâtisserie n’échappe pas aux insatisfactions clients. « J’ai aucun problème à parler des événements négatifs parce qu’il y en a. Ceux qui vous diront le contraire sont des menteurs », affirme Tom Palmieri Rambaud.

La stratégie mise en place pour gérer ces situations repose sur plusieurs principes :

  • La considération totale du client : « L’idée, c’est véritablement de tout de suite expliquer aux clients qu’on est conscient de la problématique et qu’on est conscient aussi du mécontentement. »

  • L’implication directe de la hiérarchie : « Je demande à nos équipes de vente, lorsque la problématique est importante, de remonter la chose directement au directeur de département. »

  • La participation des chefs dans la réponse : « On remonte très quasiment systématiquement les informations aux chefs, que ce soit les chefs exécutifs qui travaillent dans les laboratoires ou bien les chefs tout court qui pensent les produits. »

Cette approche transparente permet de transformer une expérience négative en une opportunité de renforcer la relation avec le client.

3. Établir un dialogue constant avec la communauté en ligne

Au-delà des clients qui franchissent le seuil des boutiques, les maisons de haute pâtisserie cultivent une importante communauté en ligne. « On a deux typologies de clients : ceux qui viennent en boutique et ceux qui nous suivent sur les réseaux sociaux », explique Tom Palmieri Rambaud.

Cette communauté virtuelle représente une ressource précieuse, même si une partie ne peut pas consommer directement les produits (clients éloignés géographiquement) :

  • Source de feedback sur l’apparence des produits : « Quand on est un abonné ou un follower, la première chose qu’on voit, c’est le produit en image, et donc ça nous permet aussi d’avoir beaucoup de retours. »

  • Aide à la prise de décision : « Pour éviter de se tromper tout simplement en tant qu’entreprise et être sûr qu’on va là où les gens veulent qu’on soit, on a fait des sondages. »

Cette démarche a notamment guidé le « Conticini Tour », série de masterclasses en province, dont les destinations ont été choisies grâce aux votes de la communauté sur les réseaux sociaux.

4. Impliquer directement les chefs dans la relation client

L’une des spécificités marquantes de l’approche des maisons Philippe Conticini et Jeffrey Cagnes est l’implication directe des chefs dans la relation client, tant en boutique que sur les réseaux sociaux.

« Le meilleur outil qu’on a aujourd’hui pour correctement monitorer ce qui se passe dans nos boutiques, dans la relation client avec nos boutiques, mais également avec notre communauté, c’est nos deux chefs », affirme Tom Palmieri Rambaud.

Cette implication se manifeste de plusieurs façons :

  • Réponses personnelles aux messages : « C’est des gens qui sont extrêmement investis dans leurs réseaux sociaux, qui répondent à énormément de commentaires, qui répondent aux messages privés. »

  • Présence régulière en boutique : « Les chefs vont très souvent en boutique pour faire des séances de dédicace, pour passer un petit peu de temps à échanger avec les clients, avoir justement leur feedback directement. »

  • Accessibilité et proximité : « C’est ce qui fait à mon sens la différence de ces deux chefs avec d’autres chefs pâtissiers ou avec d’autres dirigeants d’entreprise, c’est que c’est des gens qui sont extrêmement proches. »

Cette approche instaure une relation directe entre le créateur et le consommateur, renforçant l’authenticité de l’expérience client.

5. Adapter l’offre aux spécificités culturelles à l’international

Avec des boutiques à l’international (Londres et Tokyo), les maisons de haute pâtisserie françaises doivent adapter leur approche aux spécificités culturelles locales.

« On n’est pas du tout évidemment sur la même culture. La culture anglaise anglo-saxonne est très différente de la culture française, surtout en matière de pâtisserie », explique Tom Palmieri Rambaud.

Ces adaptations concernent à la fois :

  • Les produits : « Évidemment, il y a une adaptation produit à chaque marché, c’est très important, tout en essayant de garder des fils conducteurs. »

  • L’expérience en boutique : « Sur la boutique de Camden Market qu’on a à Londres, les gens sont très friands de s’asseoir tranquillement en terrasse ou bien dans la boutique pour déguster une pâtisserie, veulent souvent l’accompagner d’un petit verre d’alcool. »

Cette capacité d’adaptation, tout en préservant l’identité des marques, est un défi majeur qui peut parfois conduire à refuser certaines opportunités d’implantation : « On a d’ailleurs refusé certaines implantations qui nous étaient proposées par des partenaires dans d’autres pays parce qu’on sentait bien notre limite. »

6. Construire une fidélisation client structurée

Après plusieurs années d’existence, les jeunes maisons de haute pâtisserie font face à un nouveau défi : structurer leur approche de la fidélisation client.

« Le vrai challenge de demain pour cette entreprise qui est encore très jeune, c’est véritablement d’arriver à canaliser, comprendre, structurer la fidélisation client », explique Tom Palmieri Rambaud.

Cette évolution nécessite de passer d’une approche intuitive à une démarche plus structurée :

  • Mesurer la fidélisation : « J’arrive à fidéliser et je le sais, et je le sens, c’est-à-dire que je le sens dans la mesure où j’ai des feedbacks […] mais ça, c’est un ressenti. »

  • Mettre en place des processus : « L’idée, c’est véritablement d’avoir une certitude chiffrée, de données. »

  • Accompagner la croissance de l’entreprise : « C’est le propre de ces phases de croissance dans lesquelles on se situe, c’est-à-dire entre start-up, petite entreprise, PME, à entreprise qui commence à être un peu plus épaisse. »

Ce défi illustre la transition nécessaire entre l’approche intuitive d’une jeune entreprise et les processus plus structurés d’une organisation en croissance. C’est à cette étape qu’intervient l’impertinence d’un dispositif voix du client, c’est-à-dire un outil qui va permettre d’aller collecter, mesurer et analyser les avis et feedback des clients à différents moments du parcours client et de leur expérience. Pour en savoir plus sur la Voix du Client, je vous invite à consulter cet épisode de podcast. Et pour trouver des outils et logiciels qui permettent de mettre en place ce dispositif, rendez-vous sur CX Advisor, la première marketplace dédiée aux solutions technologiques de la relation et de l’expérience client. 

Les principes fondamentaux de la relation client en haute pâtisserie

Au-delà des stratégies spécifiques, l’approche de la relation client dans la haute pâtisserie repose sur plusieurs principes fondamentaux :

L’humilité face au jugement du client

« Pour nous, ceux qui ont raison, c’est pas les experts, c’est les clients », affirme Tom Palmieri Rambaud. Cette conviction se traduit par une écoute attentive des retours clients, même les plus subjectifs : « Nous, on remonte absolument tous les commentaires, y compris des commentaires subjectifs sur trop sucré, pas assez sucré, crème trop épaisse, trop légère, etc. »

Cette humilité permet d’équilibrer l’expertise créative des chefs avec les attentes réelles des consommateurs : « Nous, on est force de proposition de par l’expertise des chefs, mais ceux qui auront raison à terme, ce sont les clients. »

La spontanéité comme valeur ajoutée

Face à la tentation d’industrialiser la relation client avec de multiples outils technologiques, les maisons de haute pâtisserie ont fait le choix de préserver la spontanéité.

« On a voulu rentrer dans un mode de fonctionnement où on utilisait beaucoup d’autres outils, mais en fait, on s’est rendu compte que ça alourdissait énormément la spontanéité de la relation client », explique Tom Palmieri Rambaud.

Ce choix de la simplicité permet de maintenir l’authenticité de la relation : « On a décidé de shorter tout ça et de revenir à des choses beaucoup plus essentielles. »

L’équilibre entre créativité et marché

La haute pâtisserie doit constamment trouver l’équilibre entre l’expression créative des chefs et les réalités économiques du marché.

« Si tu crées sans avoir cette émotion vitale et que tu crées uniquement dans un calcul purement de marché, il en sortira rien de bon », reconnaît Tom Palmieri Rambaud. « En revanche, mon travail à moi en tant que directeur marketing communication d’une entreprise, c’est de veiller à ce qu’on soit en phase avec un marché. »

Cette dualité rappelle la position particulière de la haute pâtisserie, entre art et commerce, émotion et raison.

Conclusion : la relation client comme dialogue permanent

L’approche de la relation client dans la haute pâtisserie a profondément évolué ces dernières années, notamment grâce aux réseaux sociaux qui ont transformé la nature même de cette relation.

« Pour moi, la relation client aujourd’hui, c’est devenu un dialogue et plus un monologue, notamment par l’importance des réseaux sociaux », résume Tom Palmieri Rambaud. « On a énormément d’enseignements qu’on tire quotidiennement des opinions de nos clients et de notre communauté. »

Cette transition vers un dialogue permanent illustre une tendance plus large dans l’évolution de la relation client, particulièrement dans les secteurs où l’émotion et l’expérience occupent une place centrale.

En jonglant entre luxe et artisanat, entre tradition et innovation, entre émotion et raison, la haute pâtisserie française offre un modèle inspirant d’une relation client authentique et engageante, capable de transcender les frontières culturelles et géographiques.

Marine Deck, experte relation client et conférencière sur expérience client, souligne que cette approche centrée sur l’émotion et le dialogue constitue une source d’inspiration précieuse pour toute entreprise cherchant à renforcer sa relation avec ses clients.

Retrouvez Le Client Podcast sur YouTube

Le Client passe en format vidéo pour une nouvelle saison encore plus percutante.
Toujours centré sur l’expérience client, mais avec un tournant résolument opérationnel.
Tu veux des résultats concrets ? C’est ici que ça se passe :

◾ Des tactiques applicables immédiatement
◾ Moins de théorie, plus de pratique
◾ 20 minutes max par épisode

Regarder sur YouTube

Newsletter : L'atelier CX

Chaque semaine, un concentré d’expérience client utile et activable. Fini les concepts creux et les conseils impossibles à appliquer. L’atelier CX, c’est la newsletter qui va droit au but :

◾ Les coulisses du podcast Le Client
◾ Des analyses concrètes de ce qui marche (et ce qui plante)
◾ Des idées à tester dès demain

+1000 pros de la CX déjà abonnés.