Épisode 57 - Cédric Blum

7 Tactiques Pour Scaler Votre Relation Client Selon Doctolib

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Dans un monde où l’expérience client devient le principal facteur différenciant pour les entreprises, comment structurer un service client capable de soutenir une croissance exponentielle ? C’est la question que Marine Deck, experte relation client et fondatrice de Cx Advisor, a posée à Cédric Blum, directeur du support client chez Doctolib, lors d’un épisode captivant du podcast « Le Client« .

À travers cette conversation, Cédric Blum dévoile les coulisses d’une relation client performante au sein d’une entreprise en hypercroissance dans le secteur de la santé. Fort de ses 20 ans d’expérience dans le service client, il partage des tactiques concrètes pour scaler efficacement la relation client sans sacrifier la qualité.

1. L’organisation stratégique du support client chez Doctolib

Doctolib, plateforme leader de prise de rendez-vous médicaux, fait face à un défi majeur : gérer une relation client duale destinée à la fois aux professionnels de santé et aux patients. Cette complexité nécessite une organisation rigoureuse et adaptée.

Une répartition stratégique des équipes

L’équipe de Cédric Blum est structurée selon une répartition claire :

  • 80% des effectifs dédiés aux professionnels de santé
  • 20% des effectifs pour les patients

En chiffres, cela représente :

  • Plus de 230 personnes pour les professionnels de santé
  • 25 personnes pour les patients

Un volume important de contacts quotidiens

Chaque jour, l’équipe traite plus de 1200 contacts pour les professionnels de santé, répartis comme suit :

  • 70% par téléphone
  • 20% par email via les formulaires de l’application
  • 10% par chat

Une identification précise pour un service personnalisé

L’un des enjeux majeurs pour Doctolib est de garantir une identification précise des utilisateurs. Comme l’explique Cédric Blum :

« On préfère le web callback, même immédiat, parce que comme ça on est dans l’application et ça permet une pré-identification. C’est très important chez nous d’avoir toutes les données du professionnel pour mieux l’identifier, pour mieux sécuriser, et pour avoir aussi là où il en est dans son application et sa configuration quand il nous appelle. »

Cette approche personnalisée constitue la base d’un service client efficace et adapté aux besoins spécifiques de chaque utilisateur.

2. La transition d’outils pour accompagner la croissance

La croissance rapide de Doctolib a nécessité une évolution des outils utilisés pour la relation client. Cette transition illustre parfaitement les défis rencontrés par les startups en phase d’hypercroissance.

De Zendesk à Salesforce : un parcours d’adaptation

À son arrivée, Cédric Blum a trouvé une équipe utilisant Zendesk, un outil qu’il qualifie de « très bon » et « multifacettes ». Cependant, avec la croissance, les limites sont apparues rapidement :

« On se dit ‘ah, j’aimerais un peu plus sur le reporting’, c’est bien mais j’aimerais aller plus loin sur le multicanal. »

La migration vers Salesforce a été motivée par une vision plus globale :

« On est passé sur Salesforce principalement parce que ça s’intégrait avec notre CRM initial qu’on avait pour toute notre force de vente. »

Cette transition a nécessité deux ans d’adaptation avant d’obtenir « un outil qui ressemble vraiment à un vrai outil de ticketing de service client et pas juste un CRM où on a rajouté une brique un peu à la va-vite. »

Un écosystème d’outils complémentaires

En parallèle, Doctolib a enrichi son environnement technologique avec :

  • Un outil de chat différent
  • Une base de connaissance Mayday
  • Des outils développés en interne basés sur Excel

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Cette approche modulaire illustre une tendance forte dans les startups en hypercroissance : après une première phase où l’on adopte des outils « tout-en-un », vient une seconde phase de spécialisation des outils pour gagner en performance.

3. L’externalisation comme levier stratégique

Pour Cédric Blum, l’externalisation n’est pas un tabou mais une nécessité stratégique, particulièrement dans une entreprise en forte croissance comme Doctolib qui compte 2500 collaborateurs et prévoit d’atteindre près de 2800 d’ici la fin de l’année.

Une vision pragmatique de l’externalisation

« La prestation de service, c’est pas un gros mot, c’est quelque chose dont on est obligé de se servir à un moment. Je pense qu’à part des situations très particulières, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas se servir de la prestation de service et de l’externalisation. »

Cette vision s’appuie sur plusieurs constats pertinents qui rendent l’externalisation non seulement acceptable, mais souvent préférable.

Les arguments en faveur de l’externalisation

1. Une population différente à gérer

« Les conseillers clients représentent une population particulière. Chez moi, c’est des TAM, c’est des employés à qui on dit ‘arrive à 8h, repars à 16h, prends ta pause à 13h’. C’est une population qui se manage différemment des développeurs à qui on autorise le full remote, qui n’ont pas d’horaire de travail. »

Cette différence pose un défi de cohérence RH :

« C’est difficile d’avoir une politique RH cohérente quand 80-90% de la boîte sont des cadres, souvent des ingénieurs avec des salaires plutôt élevés, et une partie de la boîte qui sont sur des salaires d’entrée de niveau. »

2. Des parcours de carrière spécifiques

« C’est plus facile pour un ingénieur de passer de la tech au produit puis même au marketing, alors qu’un conseiller client, le faire évoluer dans une startup telle que Doctolib, ce n’est pas naturel et mérite beaucoup d’efforts. »

En revanche, chez un prestataire spécialisé :

« On a une population cohérente avec un management cohérent et des parcours de carrière plus faciles à tracer et sur lesquels les prestataires peuvent investir. »

3. La concentration sur le cœur de métier

« Mon métier, ce n’est pas de gérer des énormes centres d’appels. Un moment, on s’est posé la question ‘on fait quoi, on ouvre encore un centre?’ J’ai dit ‘non, ce n’est pas notre métier’. Mon métier, c’est de créer une nouvelle relation, un nouveau type de relation client avec les médecins, pas de gérer une population de 500 personnes réparties sur trois ou quatre sites géographiques. »

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Cette approche permet à Doctolib de rester « scalable en termes de ressources humaines » tout en se concentrant sur l’innovation et l’amélioration continue de la relation client.

4. Le processus de sélection des prestataires

L’an dernier, Doctolib a lancé un appel d’offres pour choisir ses prestataires externes. À l’issue du processus, deux entreprises ont été sélectionnées : Webhelp en premier et Comdata en second. Cette double sélection, plutôt inhabituelle, répond à une logique bien précise qui mérite d’être explorée.

Au-delà de la technique : l’importance du « culture fit »

Après avoir évalué les cinq grands groupes (Konecta, Majorel, Concentrix, Armatis), Cédric Blum a constaté que leurs réponses techniques étaient très similaires :

« Une fois qu’on a vu les cinq et que leurs réponses sont très similaires, qu’est-ce qui va changer? C’est là que c’est un petit peu subjectif. »

Le facteur déterminant a été le « culture fit » :

« C’est des gens avec qui on veut une relation proche parce qu’ils vont traiter nos clients, donc on veut leur faire confiance. Il faut qu’il y ait cette confiance a priori et pas juste confiance dans la méthodologie. »

Pour évaluer ce « culture fit », l’équipe de Doctolib a :

  • Visité les sites des prestataires
  • Évalué l’ambiance de travail
  • Interrogé directement les employés

« On va voir si eux, ils ont l’air contents. Est-ce que ça fait 4-5-6 ans qu’ils sont sur ce site ? Est-ce qu’ils ont l’impression d’être contents dans leur travail ? »

Les avantages d’avoir deux prestataires

Contrairement à d’autres entreprises comme Nespresso qui ont oscillé entre multi-prestataires et mono-prestataire, Cédric Blum défend le choix d’avoir deux partenaires pour plusieurs raisons :

1. Le benchmarking

« Ce qui est intéressant d’en avoir deux au final, c’est aussi de les benchmarker. Si les deux chutent au même moment, c’est que c’est un élément exogène. S’il y en a un qui chute et pas l’autre, je peux dire au premier ‘tu es mignon, mais les autres y arrivent, donc clairement c’est ta faute’. »

2. La complémentarité des approches

« Webhelp, c’est des artistes. Comdata, c’est des militaires. Et j’aime les deux. J’aurais aimé qu’ils aient les deux en même temps, mais les deux facettes me comblent parfaitement. »

3. La simplicité de gestion

Contrairement à Nespresso qui gère une douzaine de flux différents (clients VIP, clients capsules, etc.), Doctolib a une structure plus simple :

« Mon pilotage est très simple, les process sont les mêmes partout. Je pourrais avoir trois prestataires, ça ne serait pas beaucoup plus compliqué. »

5. La montée en compétence des téléconseilllers

Pour accompagner l’évolution de ses collaborateurs, Doctolib a mis en place un système structuré de développement des compétences, particulièrement pour les conseillers clients qui souhaitent évoluer vers des postes de management.

Un parcours d’expertise progressif et naturel

« On a une montée en expertise naturelle qui est le chemin tracé, » explique Cédric Blum.

Cette progression suit les trois produits principaux de Doctolib :

  1. Le calendrier (prise de rendez-vous)
  2. La téléconsultation
  3. La gestion du cabinet

« Quand tu entres chez Doctolib, tu fais que le calendrier. Après, tu fais de la téléconsultation, et après, tu fais la gestion du cabinet. »

Cette progression s’accompagne d’une spécialisation selon les aptitudes individuelles :

« Si tu es un peu plus technique, on va t’envoyer un peu plus sur le support technique. Si tu es un peu plus dans la relation avec le client, on va t’envoyer un peu plus sur l’aspect gestion de compte. »

L’assessment day : une évaluation objective des compétences

Pour éviter les écueils classiques de la promotion interne, notamment la « pyramide de Ponzi humaine » où l’on fait miroiter des évolutions de carrière irréalistes, Doctolib a mis en place une journée d’évaluation structurée.

« Chez Doctolib, on a mis en place une journée d’assessment, » détaille Cédric Blum.

Cette journée comprend quatre exercices complémentaires :

1. Un exercice de groupe

« Ils sont perdus sur la lune, ils ont une liste d’objets et ils doivent la prioriser individuellement et en groupe. »

2. Une interview standardisée

« Avec des questions très ciblées sur les compétences, comme ‘Qu’est-ce que vous avez mis en place comme méthode de coaching dans votre précédent job?' »

3. Un exercice d’analyse

« On leur donne des chiffres à analyser pour voir s’ils ont un esprit analytique. »

4. Une simulation de management

« On lui file un petit book avec une situation managériale qu’il va devoir gérer. Après, pendant 20 minutes, on lui met un acteur en face et il va devoir faire comme s’il était team leader. »

Cette méthode offre une évaluation objective grâce à son approche « multi-compétences » et « multi-évaluateurs ». À l’issue de la journée, chaque candidat reçoit un feedback précis :

« On va pouvoir lui dire sur telle et telle compétence tu es OK, sur telle et telle compétence tu n’es pas OK. »

Cette approche permet d’éviter le piège classique du « meilleur vendeur qui devient manager » :

« Un de mes grands favoris, le fameux ‘tu es le meilleur vendeur, hop, tu passes team leader’. On sait bien que ça ne marche pas depuis longtemps. »

 

6. Les erreurs et leçons apprises

Avec l’humilité qui caractérise les vrais professionnels, Cédric Blum n’hésite pas à partager ses erreurs et les leçons qu’il en a tirées, tant chez Doctolib que dans ses expériences précédentes.

Le changement de site trop précipité

« On a changé de site pour la prestation des patients et on a des difficultés de productivité parce qu’on est allé trop vite, » reconnaît-il à propos d’une situation récente. « On s’est dit ‘c’est le même prestataire, c’est facile’, et on a été trop confiant. »

La leçon tirée de cette expérience est précieuse :

« Même dans une startup, ça arrive d’aller trop vite. Il y a un moment où on atteint une certaine maturité et aller vite devient moins important qu’être vraiment efficace. »

L’expérience du multi-prestataire par pays en Asie

Dans une expérience précédente en Asie, Cédric Blum avait opté pour un prestataire différent dans chaque pays (Thaïlande, Vietnam, Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour), pensant optimiser le service pour chaque marché.

« J’ai fait un petit peu ce qu’on disait pour Nespresso, j’ai fait du multi-prestataire. C’était pas une bonne idée, c’était une galère. À chaque fois, il y avait quelque chose qui me plaisait, mais il y avait pas mal de défauts sur chaque prestataire, et moi je passais beaucoup de temps à aller chez chacun. »

Son successeur a simplifié l’approche avec un appel d’offres unique, ce qui a donné de bien meilleurs résultats :

« Il perdait beaucoup moins de temps, tous les résultats sont remontés nets. »

Cette expérience lui a appris que « c’était une mauvaise idée d’avoir voulu faire trop bien et d’avoir été dans le détail de chaque pays, » surtout pour des flux simples d’e-commerce.

7. L’importance du taux de contact pour la scalabilité

Le fil rouge de l’approche de Cédric Blum est la recherche de la scalabilité, terme qu’il traduit par « non-proportionnel » : lorsque la base client augmente, le nombre de conseillers clients ne doit pas augmenter proportionnellement.

Le taux de contact : clé de voûte d’un service client scalable

« La clé de la scalabilité, c’est de travailler le taux de contact, et ça, c’est en amont du service client, » explique Cédric Blum. « Souvent, c’est un sujet qui est discuté avec les directeurs service clients, mais malheureusement, ce n’est pas souvent eux qui ont les leviers d’action là-dessus. »

Cette vision contraste avec l’approche traditionnelle :

« On a toujours tendance à croire que c’est plus facile d’augmenter la productivité de 5% et de rajouter des bonhommes, et dire ‘regarde, on est scalable, on a gagné 5% sur l’année en efficacité’, plutôt que de dire ‘on va complètement chambouler la méthode de contact et de relation avec nos clients, et là, on va gagner 20%’. »

L’intégration au marketing : une nouvelle perspective prometteuse

Un changement organisationnel récent chez Doctolib pourrait faciliter cette approche : le rattachement du service client au département marketing.

« Ça a été annoncé en juillet, c’est effectif en septembre. Le service client va être rattaché au marketing, » révèle Cédric Blum, qui voit cette évolution d’un bon œil : « C’est tout à fait cohérent de mettre ça dans le même département. On dit souvent du service client que c’est la voix du client, eh bien si c’est la voix du client, le marketing, c’est l’image. »

Ce rapprochement permettra « une cohérence de discours, une cohérence de relation client au sens large, et pas que support, » et potentiellement un meilleur levier sur le taux de contact, facteur clé de la scalabilité.

Conclusion : Des enseignements précieux pour toute entreprise en croissance

L’expérience de Doctolib en matière de relation client, partagée par Cédric Blum, offre des enseignements précieux pour toute entreprise en croissance. En combinant externalisation stratégique, outils spécialisés, développement des compétences structuré et focus sur la scalabilité, Doctolib a su construire une relation client efficace malgré une croissance exponentielle.

« On a fait un peu de tout, » résume Cédric Blum.

Cette approche pragmatique et évolutive, enrichie par une capacité à apprendre de ses erreurs, constitue sans doute la clé d’une relation client performante dans un environnement en perpétuelle évolution.

Pour les entreprises qui, comme Doctolib, connaissent une phase de forte croissance, ces enseignements offrent un cadre de réflexion précieux pour structurer leur relation client de manière à la fois humaine et scalable.

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Cet article a été rédigé par Marine Deck, experte relation client et conférencière expérience client, animatrice du podcast Le Client et Fondatrice de Cx Advisor. Leader d’opinion numéro un sur LinkedIn sur la thématique de l’expérience client en France.

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