Épisode 71 - Chloé Huppe

Comment Scaler un service client : 3 stratégies gagnantes de Shine

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Dans ce nouvel épisode du podcast « Le Client », Marine Deck, leader d’opinion LinkedIn sur la thématique de l’expérience client en France, s’entretient avec Chloé Huppe, Directrice du Service Client chez Indy. Ensemble, elles explorent les secrets d’un service client d’excellence qui maintient un taux de satisfaction de 97% malgré une hypercroissance fulgurante.

Indy, solution de comptabilité créée en 2016 pour les indépendants, approche aujourd’hui les 100 000 utilisateurs et traite jusqu’à 6 500 tickets par semaine en période de pic. Comment maintenir des standards de qualité exceptionnels avec des volumes qui doublent chaque année ? Comment former rapidement de nouveaux collaborateurs tout en préservant l’ADN du service client ? Plongée dans les coulisses d’une transformation maîtrisée.

La genèse d’un service client centré sur l’humain

La vision d’Indy pour la relation client est inscrite dans son ADN depuis ses débuts. « Quand on s’appelait encore George Tech en 2017, le client était déjà au cœur des préoccupations, » explique Chloé Huppe. « J’ai été la première embauche en CDI chez Indy, avant même d’embaucher tech, PM, market ou sales. »

Ce choix stratégique de placer le service client comme première priorité a donné le ton pour toute l’organisation. Aujourd’hui, avec près de 130 personnes dédiées au Customer Care, Indy maintient cette vision initiale tout en l’adaptant à une échelle bien plus importante.

« Pour la petite anecdote, il n’y avait pas d’horaire. La journée commençait avec le premier ticket, elle se finissait avec le dernier ticket. J’étais impliquée à fond et ça c’est resté comme ça assez longtemps. Il y avait une certaine âme au service client d’Indy, » se souvient Chloé.

Les 5 piliers d’un service client d’excellence en hypercroissance

Face aux défis d’une croissance exponentielle (de 300 clients au début à bientôt 100 000 utilisateurs), Indy a développé cinq piliers fondamentaux pour maintenir son niveau d’excellence.

Pilier #1 : Un recrutement axé sur les soft skills plutôt que sur l’expertise technique

Contrairement à ce qu’on pourrait imaginer, Indy ne recrute pas des experts en comptabilité pour son service client. « Indy n’a pas été créé par des comptables, » explique Chloé Huppe. « La vision qu’on avait de cet outil, c’est de voir que malgré des métiers d’expertise comptable qui existaient depuis la nuit des temps, des professionnels de santé comme les kinés ou les infirmières avaient toujours du mal à faire leur comptabilité. Or, elle était très simple. Pourquoi ? Parce que ce milieu est plein de jargon et de spécificités propres au milieu de la comptabilité. »

Pour répondre à ce défi, Indy a fait un choix audacieux : recruter des profils sans background comptable et les former à la vulgarisation de cette discipline.

« On s’est dit qu’on allait devenir les pros de la vulgarisation de la comptabilité. On a pris tous ces écrits très lourds à lire et on les a transformés en quelque chose de très simple à comprendre. Si on arrive à le faire avec nos clients, on s’est dit qu’on arriverait à le faire avec des conseillers client. »

Les critères de recrutement sont donc centrés sur les soft skills :

  • La capacité à comprendre le besoin des gens
  • L’expérience en relation client (peu importe le secteur)
  • De bonnes capacités rédactionnelles
  • La rigueur et l’organisation
  • L’empathie et la pédagogie

« On a fait même une spécialité parce que chaque année, comme je vous disais, on a doublé nos équipes, et donc chaque année, on est de mieux en mieux sur la formation au métier de customer care et de comptable. »

Pilier #2 : Une organisation structurée en fonction des compétences et des besoins clients

L’organisation du service client d’Indy est pensée pour maximiser l’efficacité tout en maintenant la qualité. Elle se structure en plusieurs équipes distinctes :

Les équipes front

« J’ai deux grosses équipes avec des métiers un petit peu distincts. Je vais avoir l’équipe front, donc ça va être les agents qui vont prendre les demandes entrantes quel que soit le produit. »

Ces équipes sont réparties par produit, car les connaissances et les personas clients varient selon que l’indépendant déclare à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur la société.

Les équipes backoffice

« Ensuite, je vais avoir les équipes backoffice. Là, ça va être des demandes entrantes et des demandes sortantes suite à des audits qu’on fait sur les comptes des clients, qui vont être en lien avec le paramétrage des comptes clients. »

Ces équipes traitent des problématiques plus complexes qui nécessitent des ajustements dans le système.

L’équipe d’expertise

« Ensuite, on va avoir une équipe d’expertise où vont se retrouver les agents de niveau 3, donc avec des problèmes qui ne sont pas documentés, et les équipes qualité, formation, documentation. »

Cette équipe joue un rôle crucial de liaison entre le terrain et le développement produit : « C’est vraiment un cercle vertueux des échanges entre les product managers, les experts, les niveau 3, les formatrices, qui fait qu’on a toujours le bon degré de connaissance de ce qui se passe sur le terrain et des points à améliorer. »

Un management de proximité

Pour maintenir ses standards de qualité, Indy a opté pour un management rapproché : « On a un manager pour 6 personnes, ce qui permet d’être toujours sur la balle pour réagir en cas de besoin. »

Au total, cette organisation concerne environ 70 personnes en interne (agents, leads et managers), complétée par des équipes externes pour les demandes les plus simples.

Pilier #3 : Une formation intensive et méthodique

La formation est un élément clé du système Indy, particulièrement lors des pics saisonniers comme la clôture fiscale en avril, qui nécessite le recrutement de nombreux renforts temporaires.

« Cette année, c’était l’apothéose vu qu’on a recruté 60 personnes pour rejoindre l’équipe pour le pic de clôture, » explique Chloé.

La méthode de formation d’Indy est remarquablement efficace :

  • 6 semaines de formation au total
  • 3 semaines de théorie à temps plein
  • 3 semaines de montée en compétence avec la pratique
  • Des sessions de shadowing (observation) avec des seniors
  • Une approche mixte combinant autoformation, formation en présentiel et exercices pratiques

Cette approche permet même aux CDD recrutés pour 6 mois d’être rapidement opérationnels : « C’est pour ça qu’on doit être efficace en formation, c’est que ce sont des personnes qui restent 6 mois chez nous. On les forme, on fait le pic de clôture, et ils s’en vont. »

Un élément stratégique de cette formation est l’échelonnement des recrutements : « On a recruté les premières promos en septembre et en octobre pour créer une base de senior suffisamment grande pour vraiment asseoir notre expertise, et ensuite on a le gros des équipes qui est arrivé entre décembre et janvier. »

Pilier #4 : Des outils performants au service des conseillers

L’efficacité du service client d’Indy repose également sur une stack technologique soigneusement sélectionnée et disponible sur CX Advisor :

Intercom pour le live chat

« Notre outil de prédilection sur lequel on a commencé dès le début d’Indy, c’est Intercom, sur lequel on traite le live chat. Il y a quelques emails également qui passent par Intercom, mais on n’a pas d’autres canaux de communication avec nos clients. »

Mayday pour la base de connaissances

« L’outil que les agents utilisent vraiment non-stop, ça va être Mayday. C’est une base de connaissance, mais qui a la particularité d’être poussée directement en extension Google Chrome. Ça nous permet d’être sur Intercom et d’avoir directement Mayday ouvert sur sa page, ça fait gagner un temps fou. »

Cette solution a remplacé Notion, qui montrait ses limites pour un service client à grande échelle : « La barre de recherche de Notion n’est pas ultra performante pour le support client. Quand tu as des ambitions de réactivité comme les nôtres, chaque seconde perdue, c’est vraiment de la satisfaction en moins. »

Slack pour l’information en temps réel

« Tous les échanges d’informations chaudes vont être sur Slack. S’il y a des nouvelles fonctionnalités, le temps que ça arrive sur Mayday, c’est sur Slack. »

Klaus pour le contrôle qualité

« On a un outil de contrôle qualité qui s’appelle Klaus. C’est branché avec Intercom. On a une grille d’évaluation qui est collée directement à la conversation du conseiller, et on va pouvoir évaluer sur certains points. C’est nous qui les avons déterminés, on a fait notre propre grille. »

Jira pour l’escalade et les cas complexes

« Si les agents ont besoin d’escalader un ticket, ou même si les demandes ont besoin d’un traitement un peu plus particulier, on utilise Jira. »

Cette combinaison d’outils permet à Indy de maintenir sa réactivité tout en assurant un suivi rigoureux de la qualité. Selon Marine Deck, il existe dix outils indispensables au pilotage de l’expérience client

Pilier #5 : L’automatisation intelligente des tâches répétitives

Pour Chloé Huppe, l’automatisation est une évidence : « C’est vraiment notre ambition chez Indy d’automatiser la comptabilité, d’autonomiser nos clients. Donc pourquoi faire l’effort pour nos clients et par contre laisser en interne les équipes avec beaucoup de tâches répétitives ? »

Plusieurs processus clés ont été automatisés :

La récupération de l’historique bancaire

« Quand moi je suis arrivée, quand les clients arrivaient sur Indy, on saisissait leurs relevés bancaires à la main. Une période en 2019, on a eu beaucoup d’absences au service client et ce sont les développeurs qui ont repris la main sur cette mission-là. Deux mois après, tout était automatisé ! »

La catégorisation des transactions

« La principale inquiétude de nos clients, c’était : ‘Dans quelle catégorie je mets ça ?’ On a mis en place directement dans le produit un choix multiple avec un petit highlight sur celui qui serait le mieux. La barre de recherche va dire : ‘Si tu étais chez Carrefour, c’était peut-être de l’essence, peut-être de la papeterie, peut-être de la nourriture.’ Ça rassure le client et ça fait moins de demandes entrantes pour nous. »

Un bot de routage intelligent

« Quand on arrive sur le service client d’Indy, il y a un bot qui va permettre de router. C’est un peu un routeur, mais c’est Intercom qui te le fournit, paramétré par nous. Il faut le faire très finement, sinon on peut très vite se planter. Ça permet de rediriger le client, soit de lui donner une réponse automatisée quand il n’y a pas forcément besoin d’aller parler à un agent, soit d’aller vers le bon agent directement. »

Ces automatisations permettent de maintenir la qualité de service malgré la croissance exponentielle des volumes.

Le défi de la personnalisation à grande échelle

Malgré l’automatisation et la standardisation nécessaires pour gérer de grands volumes, Indy place la personnalisation au cœur de son approche.

« La personnalisation, ça nous tient à cœur et on l’évalue déjà dans notre contrôle qualité, » explique Chloé. « On veut que nos conseillers personnalisent leurs échanges avec les clients. »

Concrètement, cette personnalisation se traduit par plusieurs pratiques :

Des réponses sauvegardées mais jamais utilisées telles quelles

« Comme tout service client, on a des réponses sauvegardées qu’on peut utiliser. Par contre, il est strictement interdit d’envoyer la réponse pure, il faut qu’elle soit forcément adaptée à la situation du client. »

La métaphore du trampoline

Pour illustrer l’équilibre entre cadre et liberté, Chloé reprend une image de Cédric Bloom : « Il faut dessiner un trampoline suffisamment large pour que n’importe qui puisse rebondir sans faire d’erreurs, sans tomber. Ça, c’est donner le cadre. Par contre, ce qu’on demande au conseiller, c’est de ne pas rester au milieu et de sauter tout droit, pas très haut. On lui demande, dès qu’il s’en sent capable, de monter de plus en plus haut, de faire des pirouettes, tant qu’il reste dans le cadre. »

L’exploitation des données contextuelles

Pour personnaliser efficacement, les agents disposent de nombreuses informations : « On va savoir quand il est venu nous voir la dernière fois, depuis combien de temps il est chez nous, quel régime il a, qu’est-ce qu’il a fait comme dernière action sur l’application, et puis on a même accès aux dernières conversations. »

Ces éléments permettent d’adapter le ton et le contenu des réponses : « On voit qu’en fait la personne avait mis un gif à notre collègue, donc tout de suite, on va y aller, on va essayer de rentrer dans un jeu vraiment d’échange entre humains. Malgré le fait qu’on passe par du chat ou par du mail, à chaque fois, ce sont des humains d’un côté et de l’autre de l’écran, et ça, ça nous tient à cœur. »

Le choix délibéré du chat comme canal principal

Un aspect intéressant de la stratégie d’Indy est le choix de se concentrer presque exclusivement sur le chat comme canal de communication, malgré les demandes des clients pour plus d’options téléphoniques.

Chloé Huppe explique ce choix par plusieurs facteurs :

La nature des demandes nécessite de la recherche

« Souvent, les demandes de nos clients nécessitent de la recherche, et de ce fait, ce n’est pas une appétence chez nous que de mettre les clients sur des musiques d’attente ou sur répondeur le temps qu’on recherche. Via le chat, on va leur demander de leur côté d’aller faire des recherches ou d’aller regarder sur l’application pour nous envoyer des infos. Pendant ce temps-là, nous, on va chercher. L’attente nous paraît déjà beaucoup plus OK quand on est sur le chat. »

Le confort des conseillers

« Le conseiller est beaucoup plus confortable d’aller faire ses recherches, de préparer sa réponse, plutôt que d’être en direct live avec le client au téléphone. »

L’optimisation des ressources face aux volumes

« On a énormément de clients, d’utilisateurs. La particularité du chat, c’est que ça nous permet de traiter en simultanée cette conversation parce que parfois, quand le client doit faire une action de son côté, on met la conversation en attente et on entame la prochaine. »

Un modèle économique cohérent

« Pour conserver aussi un tarif défiant toute concurrence pour le service qu’on propose, il est plus intéressant pour nous de passer par du chat, et donc plus intéressant pour nos clients également. »

Néanmoins, l’entreprise reste ouverte à l’évolution : « On teste encore. La semaine dernière, on en parlait, on veut tester l’appel. On avait déjà fait des essais même avec de la visio. On ne cesse de tester pour trouver le bon setup pour pouvoir avoir nos clients au téléphone sans que ce soit trop une charge d’un point de vue conseiller et d’un point de vue financier. »

Les résultats et les défis futurs

Cette approche structurée et méthodique a permis à Indy d’atteindre des résultats remarquables :

  • 97% de satisfaction client sur leur produit historique
  • Capacité à traiter jusqu’à 6 500 tickets par semaine en période de pic
  • Un total de 200 000 tickets traités sur l’année 2023
  • Une remontée de 95% à 97% de satisfaction après un pic de croissance imprévu

Pour l’avenir, Chloé Huppe identifie plusieurs défis stratégiques :

Recentrer sur l’expertise interne

« On a vu la différence entre avoir les équipes au bureau à Lyon, faire un peu de remote mais ils viennent souvent au bureau, et puis des personnes qui sont au fin fond de la Vendée et qu’on ne voit jamais. Même si globalement on a eu de très très bonnes surprises, ça perd un peu de son âme. On aimerait bien se recentrer sur vraiment l’expertise qu’on a su développer chez Indy. »

Exploiter l’intelligence artificielle

« On a lancé l’IA un peu comme tout le monde. Il paraît que sur le service client, et notamment sur la comptabilité, l’IA fait vraiment des merveilles. Donc on est en train de tester pour le mettre en place chez nous. »

Poursuivre l’externalisation sélective

« On a commencé cette année à externaliser une partie de notre service client. Globalement, de très belles surprises. On se rend compte qu’ils font quand même très très très bien ce métier, beaucoup mieux que nous d’avoir beaucoup d’équipes, de les former aussi très rapidement, de les faire monter en compétence rapidement. »

L’objectif est clair : « Avoir une équipe resserrée chez Indy pour éviter justement de recruter la terre entière, et de pouvoir automatiser toujours ou externaliser la plus grande partie de nos demandes, sans bien évidemment dégrader nos standards de qualité. »

 

Pour faire votre auto-diagnostic sur l’externalisation, voici une vidéo YouTube sur la  méthode IMPACT. 

Conclusion : l’humain au cœur d’un service client scalable

L’expérience d’Indy démontre qu’il est possible de maintenir un service client d’excellence même en période d’hypercroissance, à condition de construire des fondations solides.

En plaçant le recrutement des bons profils au cœur de sa stratégie, en investissant massivement dans la formation, en sélectionnant rigoureusement ses outils, en automatisant intelligemment et en conservant une approche personnalisée malgré les volumes, Indy a trouvé un équilibre qui lui permet de continuer à satisfaire ses clients tout en gérant sa croissance.

Comme le résume Chloé Huppe : « J’ai au fond de moi la conviction que le meilleur support, c’est quand il n’y a pas de support. Il faut encore qu’on travaille toujours plus à faire réduire ce taux de contact. »

Cette vision, qui combine pragmatisme et ambition, pourrait bien être la clé d’un service client à la fois humain et scalable – le Saint Graal des entreprises en forte croissance.

À propos de Marine Deck

Marine Deck est experte relation client et expérience client, animatrice du podcast Le Client et Fondatrice de Cx Advisor. Elle est leader d’opinion LinkedIn sur la thématique de l’expérience client en France. À travers son podcast « Le Client« , elle explore les meilleures stratégies et pratiques pour transformer chaque interaction client en une réussite.

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