Épisode 7 - Damien Nuyttens
Comment Damien Nuyttens a transformé l'expérience client de Butagaz en 9 mois ?
Directeur des opérations et de la relation client chez Butagaz, Damien Nuyttens a relevé un défi ambitieux : transformer l’expérience client d’une entreprise historique du gaz en seulement 9 mois. Cette stratégie lui a permis de remporter le prix du Service Client de l’Année deux années consécutives. Retour sur un parcours riche en enseignements et sur les clés d’une transformation client réussie.
Quel a été le parcours de Damien Nuyttens avant Butagaz ?
Avec plus de 20 ans d’expérience dans l’univers de la relation client, Damien Nuyttens a construit sa carrière autour d’un fil rouge évident : la passion du client. Débutant en conseil sur des missions d’organisation multicanal, il s’est rapidement tourné vers le secteur des télécoms qui l’a accompagné pendant de nombreuses années.
« J’ai eu le virus des télécoms très tôt, » explique-t-il. Chez AOL France, il a occupé le poste de chef de marché pilotage de la valeur client, travaillant sur le développement du chiffre d’affaires par abonné et la migration des clients vers les premières offres ADSL.
Cette période, de 2003 à 2006, a été particulièrement formatrice : « J’ai vécu des bouleversements sur la partie fixe, les premières box, le passage sur la téléphonie illimitée en IP, la télé par IP… Des ruptures technologiques qui avaient un vrai impact sur le quotidien des clients. »
Après AOL, Damien a rejoint SFR pendant 10 ans, où il a notamment piloté le lancement de l’iPhone après la fin de l’exclusivité d’Orange. « On a travaillé en mode commando pendant 3-4 mois. Je n’ai jamais autant travaillé de ma vie sur une période courte, » se souvient-il.
Ce parcours dans les télécoms lui a permis de développer une vision complète de la relation client, de l’importance des outils aux enjeux d’engagement des équipes, en passant par la gestion de crises comme l’arrivée de Free sur le marché mobile.
Quels étaient les défis à relever chez Butagaz ?
Lorsque Damien rejoint Butagaz en septembre 2018, la situation est complexe. L’entreprise, historiquement connue pour son petit ours bleu et ses bouteilles de gaz, a entamé une diversification de ses activités avec le lancement d’une offre de gaz naturel et d’électricité en octobre 2017.
« Butagaz est né en 1932. Le métier de base, c’est de vendre du gaz liquide, notamment les bouteilles de gaz qu’on livrait dans les campagnes. Le client historique de Butagaz, c’est amener du confort à nos clients, » explique Damien.
Face à un marché de l’énergie très concurrentiel où la bataille se fait principalement sur les prix, Butagaz a choisi de se différencier par le service et l’expérience client. Mais le lancement de cette nouvelle activité s’est heurté à de nombreux problèmes opérationnels :
« Quand je suis arrivé, on m’a dit ‘il faut que tu me bâtisses la meilleure expérience client du marché’. Le problème, c’est que notre point de départ était loin d’être idéal. Sur la qualité de service au service client, on n’y était pas, » raconte Damien.
Pour mesurer l’ampleur du travail à accomplir, Butagaz avait participé au concours Service Client de l’Année et s’était classé dernier de sa catégorie, 6ème sur 6. Un résultat qui a permis d’identifier clairement les points d’amélioration.
Quelle stratégie pour transformer l’expérience client en 9 mois ?
Face à ce défi, Damien Nuyttens et son équipe se sont fixé un objectif ambitieux : être dans les trois premiers du classement Service Client de l’Année dès l’année suivante. Pour y parvenir, ils ont élaboré un plan de transformation basé sur la considération.
« Revenons sur des choses basiques, » explique Damien. « L’expérience client, c’est le delta entre ce qu’attend le client et ce que l’entreprise lui fournit. Si on est en dessous, l’expérience client n’est pas au niveau. Si on est à ce qu’il attend, c’est OK mais pas très différenciant. Si on est au-dessus, on commence à créer des différences. »
La stratégie s’est articulée autour de trois grandes dimensions :
1. L’excellence opérationnelle : la dette envers les clients
« Commençons par les fondations de la maison. On verra après si on met de la peinture flashy sur les murs, » illustre Damien. Cette première étape consistait à :
- Mesurer : « On est sur des métiers de data. Il faut que je sache combien j’ai d’appels, dans quel délai je les prends… Sans bon diagnostic, pas de bon traitement. »
- Outiller le service client pour lui permettre de mesurer et de traiter efficacement
- Piloter les flux de manière globale pour optimiser les ressources
« Le Digital a changé les exigences en termes de prise en charge, » note Damien. « Là où il y a 10 ans, piloter une qualité de service à 90-92% en 3 minutes en sortie de serveur vocal était acceptable, aujourd’hui on voit que la moitié des clients s’attendent à être décrochés en moins de 60 secondes. »
2. La posture relationnelle : la différenciation
Une fois les bases solides, l’enjeu était de construire une différence dans la relation avec les clients :
- Développer une tonalité propre à la marque, axée sur la proximité et le conseil
- Travailler sur le discours client avec du speech analytics permettant d’améliorer le monitoring qualité
- Adopter une démarche inclusive : « Nos factures sont disponibles en braille ou en caractères agrandis. Un client malentendant peut avoir une solution de télétranscription qui retranscrit la conversation avec le téléconseiller sur son téléphone. »
3. La considération de toutes les parties prenantes
« L’enabler de tout ça, c’est comment dans la considération je considère l’ensemble des parties prenantes, » explique Damien. Cela inclut :
- Les partenaires : « J’ai toujours considéré que ce n’était pas un prestataire mais un partenaire. On leur confie notre bien le plus précieux, le client. »
- Les collaborateurs : « L’expérience collaborateur est déterminante. Quand vous avez des collaborateurs qui ne sont pas heureux de venir bosser le matin, c’est compliqué de délivrer un service de qualité aux clients. »
- L’écosystème de start-ups et partenaires technologiques avec lesquels Butagaz collabore
Ce plan holistique, comme l’appelle Damien, a permis de créer une dynamique positive au sein de l’entreprise et vis-à-vis des clients.
Quels résultats cette transformation a-t-elle générés ?
La stratégie mise en place a porté ses fruits au-delà des attentes initiales. Non seulement Butagaz s’est classé dans les trois premiers du concours Service Client de l’Année comme espéré, mais l’entreprise a remporté le prix deux années consécutives, en 2020 et 2021.
« C’est évidemment un grand motif de fierté pour l’équipe que j’ai le plaisir d’animer, » commente Damien, qui a lui-même été élu Directeur Client de l’Année en 2019 par l’Association Française de la Relation Client.
Au-delà des prix, la transformation a permis à Butagaz de :
- Réduire l’effort client grâce à une meilleure orchestration des flux de contact
- Renforcer l’engagement des équipes en développant une culture de feedback positif
- Incarner les valeurs de la marque jusque dans les interactions quotidiennes avec les clients
L’entreprise mesure désormais en temps réel le « Customer Effort Score », qui évalue la facilité avec laquelle le client obtient une réponse à sa problématique. « Ça reste notre boussole, » affirme Damien.
Comment Butagaz intègre-t-elle la RSE dans son expérience client ?
La transformation de l’expérience client chez Butagaz s’inscrit dans une démarche plus large de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE), qui contribue à donner du sens aux actions menées.
« Notre histoire, c’est d’amener du confort à nos clients et d’être investis dans les territoires. On perpétue cette histoire sur l’ensemble de nos métiers, » explique Damien.
Cette démarche se concrétise par plusieurs initiatives :
- Un service client 100% en France, contribuant au développement de l’emploi dans les territoires
- Une charte éthique qui privilégie, à valeur égale, les solutions françaises
- La création d’une fondation Butagaz travaillant sur les sujets de précarité énergétique
« On a un premier projet qui s’est déployé sur Flers, dans le Pas-de-Calais, où on a contribué à la rénovation énergétique de bâtiments privés ou publics pour mieux les isoler, » illustre Damien.
Ces actions permettent de traiter des problèmes à la source, comme la situation des personnes en précarité économique qui vivent souvent dans des logements mal isolés. « On estime que les économies réalisées sont de l’ordre de moins 30% sur la consommation, » précise-t-il.
Pour Butagaz, il ne s’agit pas de « greenwashing » mais d’une cohérence avec l’identité de l’entreprise : « Si on ne le faisait pas, on ne serait pas cohérent avec nous-mêmes, et donc on serait beaucoup moins vrai aussi dans nos échanges avec nos clients. »
Quelles leçons tirer de cette transformation ?
L’expérience de Damien Nuyttens chez Butagaz, mais aussi son parcours chez AOL et SFR, lui ont permis de dégager plusieurs enseignements clés :
Sur la transformation des entreprises
« Il est important de se transformer au bon moment, tant qu’on a les moyens et pas quand on est au pied du mur, » observe Damien. Il cite l’exemple de SFR face à l’arrivée de Free, ou de Kodak face au numérique : « Aujourd’hui, une entreprise qui est en capacité de se transformer parce que son marché va bouger, va être disrupté, et qui ne le fait pas, c’est un peu criminel d’un point de vue économique. »
Sur l’innovation et la prise de risque
Damien évoque une anecdote révélatrice chez SFR, lorsqu’Orange avait l’exclusivité sur l’iPhone : « On s’est dit que ce n’était pas possible de voir nos meilleurs clients partir. On a conçu un process assez génial : quand certains clients nous appelaient en disant qu’ils allaient partir chez Orange pour avoir l’iPhone, on leur proposait d’aller chez Orange, de prendre un iPhone avec une carte prépayée, de le faire désimlocker, et on les remboursait. »
Cette capacité à « penser out of the box » et à prendre des risques calculés a permis à SFR de limiter la perte de clients à forte valeur.
Sur l’importance de l’expérience collaborateur
« Expérience client et expérience collaborateur sont extrêmement liées, » insiste Damien. « Quand vous avez des collaborateurs qui ne sont pas heureux de venir bosser le matin, c’est compliqué de délivrer un service de qualité aux clients. »
Chez Butagaz, cette conviction se traduit par un suivi mensuel du bien-être des équipes : « On essaie de mesurer, de prendre un peu le pouls. Est-ce que tu es heureux de venir travailler le matin ? Est-ce que tu recommandes nos offres ? Est-ce que tu as des feedbacks réguliers de ton manager ? »
Sur l’évolution du métier de conseiller client
« On parle beaucoup de conseillers augmentés. De plus en plus, l’intelligence artificielle va nous aider sur la partie savoir-faire, elle va être automatisée, robotisée. Ce qu’on va demander au conseiller de clientèle, c’est vraiment de gérer de l’humain, » anticipe Damien.
Il voit deux mots-clés pour l’avenir : « care et proximité ». La proximité étant à la fois géographique, avec le maintien d’emplois dans les territoires, mais aussi relationnelle, à travers la tonalité et la capacité à être présent quand le client en a besoin.
Quel avenir pour l’expérience client chez Butagaz ?
Pour l’avenir, Butagaz poursuit sa stratégie de diversification dans les énergies et les services, avec l’ambition de devenir un acteur multi-énergie et multi-service.
« L’objectif, c’est d’arriver pour un foyer à lui proposer le meilleur mix énergétique avec nos solutions, et finalement l’entretien et l’assistance sur ce mix énergétique, de manière à ce qu’il ait un guichet unique, un point d’entrée unique et un conseil unique, » explique Damien.
Cette approche se décline déjà dans certains segments comme les copropriétés en Île-de-France, où Butagaz expérimente de nouveaux modèles économiques : « Grâce à des dispositifs adaptés, on permet de réduire la consommation de chauffage collectif au gaz. Dans notre modèle économique, on facture le gaz qu’on fournit, mais on partage aussi les gains sur les économies réalisées avec la copropriété. »
Damien conclut avec un paradoxe révélateur : « Si on délivrait une expérience hyper ultime, hyper fluide et sans couture, quelque part il n’y aurait pas besoin de moi dans l’organisation. Notre objectif ultime en expérience client se traduit par notre disparition ! »
Conclusion : le Customer Care au cœur de la différenciation
L’expérience de Damien Nuyttens et la transformation réussie de l’expérience client chez Butagaz montrent qu’il est possible, même pour une entreprise historique, de se réinventer rapidement en plaçant le client au centre de sa stratégie.
Dans un secteur comme l’énergie, où la bataille se fait principalement sur les prix, l’expérience client devient un véritable levier de différenciation. Mais cette différenciation ne peut se construire qu’en revenant d’abord aux fondamentaux : l’excellence opérationnelle, la considération de toutes les parties prenantes, et un engagement sincère sur des valeurs qui font sens.
Comme le souligne Damien, citant souvent la traduction anglaise de « service client » : « Il ne faut jamais oublier que la traduction en anglais de ‘service client’, c’est ‘Customer Care’. Il y a la notion de ‘care’, et je pense qu’elle est absolument clé dans ce métier. »
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