Épisode 51 - Alix de Boisgelin
7 Stratégies de Jimmy Fairly pour Révolutionner l'Expérience Client Optique
Dans un secteur de l’optique souvent perçu comme traditionnel et peu innovant, Jimmy Fairly a su se démarquer en plaçant l’expérience client au cœur de sa stratégie. Marine Deck, experte relation client et expérience client, animatrice du podcast Le Client et Fondatrice de Cx Advisor, leader d’opinion numéro un sur LinkedIn sur la thématique de l’expérience client en France, s’entretient avec Alix de Boisgelin, responsable expérience client chez Jimmy Fairly, pour découvrir comment cette marque d’optique a transformé la relation client dans son secteur.
De la DNVB au retail : l’itinéraire atypique de Jimmy Fairly
Fondée en 2010 par Antonin Chartier, Jimmy Fairly est née d’un constat simple : le secteur de l’optique avait besoin d’être dépoussiéré, avec plus d’innovation et de transparence. « Quand on pense à un opticien, on a un peu l’image d’une personne en costume derrière un ordi sous un néon, qui parle de nos yeux avec un vocabulaire qu’on ne comprend pas forcément, » explique Alix de Boisgelin.
Initialement conçue comme une DNVB (Digital Native Vertical Brand), la marque a connu un parcours atypique. « Jimmy Fairly a été créé en novembre 2010 avec un début d’activité qui était totalement sur Internet, » raconte Alix. Mais face aux difficultés rencontrées en ligne, les fondateurs ont investi leurs dernières économies pour ouvrir une première boutique physique à Paris, rue Vieille du Temple, en mai 2011.
Le résultat fut spectaculaire : « En deux semaines, ils ont fait plus de chiffre d’affaires que le meilleur mois qu’on avait fait sur Internet. » Cette expérience a conduit Jimmy Fairly à repenser complètement son modèle commercial, passant d’une stratégie principalement digitale à une approche centrée sur le retail.
Aujourd’hui, avec une soixantaine de boutiques en France et en Angleterre, Jimmy Fairly réalise 95% de son chiffre d’affaires via ses points de vente physiques. « Le principal canal de vente et de contact avec les clients reste les boutiques, » confirme Alix. Néanmoins, la marque souhaite renforcer sa présence digitale pour devenir « beaucoup plus omnicanale », le site servant de vitrine pour ceux qui ne connaissent pas encore la marque ou qui sont éloignés des boutiques.
Customer-centric à 360° : l’ADN de Jimmy Fairly
Ce qui caractérise Jimmy Fairly, c’est une culture d’entreprise résolument centrée sur le client. « Chaque décision dans l’entreprise, dans n’importe quel service, est prise en fonction du gain client, » affirme Alix de Boisgelin. « Si on a un doute sur une décision, un projet, etc., la question qui se pose est : comment ça va impacter le client ? Est-ce que ça va être mieux pour lui ou pas ? »
Cette philosophie se traduit concrètement à tous les niveaux de l’entreprise :
- En boutique : « Des équipes jeunes, hyper dynamiques, hyper avenantes » qui offrent un café aux clients pendant qu’ils choisissent leurs lunettes.
- Au service client : Des réponses rapides et personnalisées, sans messages automatisés.
- À la logistique : Un système permettant de livrer des lunettes à vue en 24 heures.
- Au développement produit : Une amélioration continue des modèles basée sur les retours clients.
- Dans l’engagement social : Un programme « Buy One Give One » où, au lieu d’offrir une seconde paire de lunettes au client comme le font traditionnellement les opticiens, Jimmy Fairly la donne à des personnes qui n’ont pas accès aux soins optiques.
Cette culture customer-centric s’accompagne d’une volonté de transparence qui s’exprime notamment par un langage simple et accessible. « On essaie d’être le plus honnête possible, donc ne jamais mentir, même par omission, à un client, que ce soit par un discours marketing ou quand la commande d’un client est perdue, » précise Alix.
Responsabiliser les équipes terrain : un pivot stratégique
L’une des évolutions majeures dans l’expérience client de Jimmy Fairly concerne la responsabilisation des équipes en boutique. Face à une croissance rapide et à l’ouverture de nombreux points de vente, l’entreprise avait progressivement centralisé les décisions liées à l’expérience client.
« Il y a eu une déresponsabilisation des équipes terrain au fur et à mesure que Jimmy Fairly a grossi, » explique Alix. « Aujourd’hui, on fait machine arrière parce qu’on a envie que nos collaborateurs se sentent bien. C’est eux qui sont sur le terrain face aux clients, donc ils doivent avoir la possibilité de gérer une relation client à 100%. »
Cette déresponsabilisation s’est également accentuée suite à un changement de politique commerciale. Auparavant, les vendeurs avaient pour habitude de remplacer gratuitement les lunettes en cas de problème pendant un an, une pratique généreuse mais qui envoyait un message contradictoire sur la qualité des produits.
« On s’est rendu compte que ça ne servait pas l’image de la marque, » reconnaît Alix. « Quand on remplace un produit au moindre souci, c’est que la qualité n’est pas géniale. Or ce n’était pas du tout ce que nous voulions renvoyer comme image. »
La transition vers une politique plus nuancée s’est accompagnée d’un « serrage de vis » qui a accentué le sentiment de déresponsabilisation des équipes. Aujourd’hui, l’entreprise travaille à trouver le juste équilibre : des guidelines claires mais suffisamment flexibles pour permettre aux équipes terrain de prendre des initiatives lorsque c’est nécessaire pour satisfaire le client.
Mesurer et améliorer l’expérience client : le rôle du NPS
Jimmy Fairly a mis en place un système de mesure de la satisfaction client basé sur le Net Promoter Score (NPS) depuis 7 ans, une démarche précoce pour une entreprise de cette taille et de ce secteur.
La marque envoie deux types d’enquêtes :
- Un NPS « post-achat » immédiatement après la visite en boutique, centré sur l’expérience d’achat
- Un NPS « produit » trois mois après l’achat, focalisé sur la satisfaction à l’usage
« C’est hyper important de savoir ce que le client pense de nous et ce qu’il pense de notre produit, » explique Alix. « Pour connaître nos axes d’amélioration et nos forces, on trouve ça hyper efficace de demander directement aux clients comment on pourrait s’améliorer. »
Les résultats sont éloquents : un NPS de 92 points sur l’expérience post-achat, témoignant de la qualité de l’accueil en boutique, et un score de 70 points sur la satisfaction produit à trois mois. « Je pense qu’on est les seuls opticiens à demander au bout de trois mois si tout va bien avec les verres, si tout va bien avec la monture, » souligne Alix.
Cette double mesure permet non seulement d’identifier des axes d’amélioration, mais aussi de « rattraper les clients » en cas de problème en leur proposant une solution adaptée.
L’automatisation au service de l’humain, pas l’inverse
Dans un secteur comme l’optique, où le produit est directement lié à la santé des clients, l’automatisation des réponses a ses limites. « Quand un client nous envoie un message ou vient en boutique pour nous dire ‘Je ne vois pas dans mes Jimmy Fairly’, c’est sa santé avant tout, ça pose un gros problème, » explique Alix.
Pour Jimmy Fairly, la solution doit être « absolument sur mesure » et nécessite une analyse approfondie : « Il faut analyser tout l’historique du client, tout comprendre, regarder les ordonnances, voir comment sont faits ses verres, etc. On va vraiment chercher jusqu’au bout quel est le problème. »
Cette approche personnalisée n’exclut pas l’automatisation de certains processus opérationnels. L’un des grands succès d’Alix chez Jimmy Fairly a été de remplacer un système manuel d’information des clients sur l’arrivée de leurs commandes par un système automatisé.
« Quand je suis arrivée, on avait un système un peu artisanal, » se souvient-elle. « C’était un Google Sheet qui était rempli par les boutiques avec le numéro de commande et le numéro de téléphone du client, qu’ensuite l’équipe expérience client rassemblait pour utiliser un site qui s’appelle envoyersmspr.fr pour envoyer le SMS. »
Aujourd’hui, grâce à l’implémentation de l’outil Shipup et à son adaptation aux besoins spécifiques de Jimmy Fairly, ce processus est beaucoup plus fluide. Les boutiques scannent elles-mêmes les commandes à leur arrivée, déclenchant automatiquement l’envoi d’un SMS au client.
Cette amélioration a eu un double impact positif : « Ça a été un gros succès d’automatiser et de simplifier tout ça, et de voir que ça a un impact et sur le client et sur les collaborateurs. »
Les défis de l’expérience client dans le secteur optique
Pour continuer à améliorer l’expérience client, Jimmy Fairly fait face à plusieurs défis :
- L’unification des processus et la formation des équipes : « C’est un enjeu énorme, surtout dans un milieu aussi complexe que l’optique, » reconnaît Alix. L’entreprise travaille actuellement à la création d’une base de connaissances pour harmoniser les pratiques entre les différentes boutiques.
- L’élargissement des canaux de communication : Actuellement limité au mail pour les clients particuliers, le service client de Jimmy Fairly prévoit d’ouvrir WhatsApp comme nouveau canal cette année. « Il y a une vraie demande de la part des clients qui nous demandent pourquoi on n’est pas joignable par téléphone, » explique Alix.
- Le ton de voix : « Mon enjeu, c’est de proposer par mail la même chose qu’en boutique, » explique Alix, soulignant l’importance de maintenir une image de marque cohérente à travers tous les points de contact avec le client.
- La structuration de l’équipe : Face à la croissance rapide de l’entreprise, l’enjeu est de « toujours être iso sur le service qu’on propose aujourd’hui aux clients et même l’améliorer. »
Les sept piliers de l’excellence client selon Jimmy Fairly
À travers l’expérience de Jimmy Fairly, on peut identifier sept stratégies clés qui ont permis à la marque de se démarquer dans le secteur de l’optique :
- La centralité du client dans toutes les décisions : Chaque projet, chaque innovation est évaluée à l’aune de sa valeur ajoutée pour le client.
- La transparence comme principe fondamental : Un langage simple, des informations claires et une honnêteté totale, même en cas de problème.
- L’équilibre entre responsabilisation des équipes et cohérence de marque : Donner aux équipes terrain la latitude nécessaire pour prendre des initiatives tout en maintenant un cadre clair.
- La mesure systématique et régulière de la satisfaction : Un double NPS qui permet de suivre à la fois l’expérience d’achat et la satisfaction produit.
- L’automatisation au service de l’expérience, pas à ses dépens : Simplifier les processus opérationnels sans sacrifier la personnalisation des réponses aux problèmes clients.
- L’engagement social comme partie intégrante de l’expérience : Le programme « Buy One Give One » qui donne du sens à l’achat.
- L’attention aux détails qui font la différence : Du café offert en boutique aux petites attentions personnalisées, ces touches d’humanité qui créent une expérience mémorable.
Pour Alix de Boisgelin, la meilleure expérience client repose sur la simplicité et l’humanité : « Il faut rester hyper simple dans la relation client, avoir un côté qui est super humain, super accessible, et surtout miser à fond sur les petites attentions qui sont hyper importantes et qui font qu’en fait chaque client se sent unique auprès d’une marque. »
Cette philosophie semble avoir porté ses fruits pour Jimmy Fairly qui, en une dizaine d’années, a réussi à se faire une place de choix dans le secteur de l’optique en transformant radicalement l’expérience client.
La personnalisation à grande échelle : le prochain défi
Avec sa croissance continue et son expansion internationale, Jimmy Fairly se trouve face au défi classique des entreprises en forte croissance : comment maintenir le niveau d’excellence et de personnalisation qui a fait son succès, tout en servant un nombre croissant de clients ?
La réponse passe probablement par un équilibre subtil entre technologie et touche humaine. L’automatisation des processus opérationnels permet de libérer du temps pour les interactions à forte valeur ajoutée, tandis que la formation continue des équipes garantit une expérience cohérente à travers tous les points de contact.
Comme le souligne Alix de Boisgelin, l’enjeu n’est pas seulement de satisfaire les clients, mais de leur offrir une expérience « waouh » qui dépasse leurs attentes et renforce leur attachement à la marque. C’est peut-être là que réside le véritable secret de la réussite de Jimmy Fairly : transformer un achat fonctionnel – des lunettes de vue – en une expérience mémorable qui donne envie aux clients de revenir et de recommander la marque autour d’eux.
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Marine Deck est experte relation client et conférencière sur l’expérience client, animatrice du podcast Le Client et Fondatrice de Cx Advisor. Leader d’opinion sur LinkedIn sur la thématique de l’expérience client en France.
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